Forum - Carences vitaminiques

Carences vitaminiques

Résumé. – Les vitamines sont des substances indispensables à l’organisme. Chacune exerce une fonction
particulière, et leur carence peut entraîner des perturbations cliniques et biologiques.
Les aliments représentent la source principale des vitamines : fruits et légumes (vitamines A, B8, B9, C, K) ;
viandes, poissons et oeufs (vitamines B1, B6, B8, B9, B12, K, PP) ; matières grasses végétales et animales dont
les produits laitiers (vitamines A, B2, B8, B12, E, K) ; et céréales : levure, germe de blé, riz... (vitamines A, B1,
B2, B6, B8, B9, PP). Certaines vitamines ont une source endogène (vitamines B1, B6, B9, K2) insuffisante à
couvrir les besoins de l’organisme.
Des besoins nutritionnels recommandés sont définis pour chaque vitamine, et sont habituellement couverts
par une alimentation quotidienne équilibrée.
Les vitamines sont absorbées dans le tube digestif par un mécanisme actif (vitamines A, B2, B8), ou passif ou
facilité (B6, E, PP), ou les deux mécanismes peuvent exister (B1, B9, B12, C, K). La plupart des vitamines sont
stockées dans le foie (A, B2, B6, B8, B9, B12, C, PP) ou dans d’autres tissus : coeur, muscles, oeil, reins, peau (B2,
B6, E) ; d’autres n’ont pas de stock (B1, C, PP) d’où la nécessité de leur apport quotidien.
Leurs fonctions physiologiques sont diverses : coenzymes de certaines réactions enzymatiques comme la
synthèse des protéines (vitamines du groupe B), ou réactions d’hydroxylation (vitamine C) ou de
carboxylation (vitamine K), rôle antioxydant (vitamine C et E) ou d’oxydoréduction (vitamine PP).
Les déficits en vitamines se rencontrent surtout dans les pays en voie de développement lors de carence
alimentaire, mais aussi dans les pays développés, conséquences des malabsorptions digestives, de nutrition
parentérale non ou mal supplémentée, dans la mucoviscidose, l’insuffisance rénale et l’hémodialyse et lorsque
l’alimentation est très déséquilibrée. Certaines carences sont secondaires à des maladies génétiques du
métabolisme faisant intervenir certaines vitamines (B1, B2, B6, B8, B9, B12, E, PP).
Les signes cliniques des carences vitaminiques sont généraux (vitamines B1, B8, B9, C, PP), cutanéomuqueux
(vitamines A, B2, B6, B8, B9, B12, C, PP), neuropsychiatriques (vitamines B1, B2, B6, B8, B9, B12, E, PP),
ophtalmologiques (vitamines A, B2, E), digestifs (vitamines B8, B9, C, PP), hématologiques (vitamines B12, C,
E, K), ostéoarticulaires (vitamine C) ou peuvent encore se manifester par une sensibilité accrue aux infections
(vitamine A). La carence la plus grave à long terme est la carence en vitamine A. Une anémie est fréquente :
vitamines B2, B6, B9, B12, C, E, PP, parfois associée à une thrombopénie et à une leucopénie (B9, B12). Les
carences vitaminiques peuvent exister sous forme fruste.
Le déficit peut être confirmé par des dosages biologiques, mais les dosages directs sont sujets à des variations
quotidiennes : on utilise plutôt des tests dynamiques avec charge en vitamine ou des tests biologiques
indirects.
Le traitement des carences par substitution vitaminique est en règle efficace par voie orale, ou parentérale
dans les malabsorptions. Les vitamines ne sont pas toxiques, sauf à très forte dose pour certaines d’entre
elles : vitamines A, B6, C, E, K3, PP.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------yes

 

 

 

Carences vitaminiques
(hormis la carence en vitamine D)
F Joubert
C Hammoud
B Chevallier
Résumé. – Les vitamines sont des substances indispensables à l’organisme. Chacune exerce une fonction
particulière, et leur carence peut entraîner des perturbations cliniques et biologiques.
Les aliments représentent la source principale des vitamines : fruits et légumes (vitamines A, B8, B9, C, K) ;
viandes, poissons et oeufs (vitamines B1, B6, B8, B9, B12, K, PP) ; matières grasses végétales et animales dont
les produits laitiers (vitamines A, B2, B8, B12, E, K) ; et céréales : levure, germe de blé, riz... (vitamines A, B1,
B2, B6, B8, B9, PP). Certaines vitamines ont une source endogène (vitamines B1, B6, B9, K2) insuffisante à
couvrir les besoins de l’organisme.
Des besoins nutritionnels recommandés sont définis pour chaque vitamine, et sont habituellement couverts
par une alimentation quotidienne équilibrée.
Les vitamines sont absorbées dans le tube digestif par un mécanisme actif (vitamines A, B2, B8), ou passif ou
facilité (B6, E, PP), ou les deux mécanismes peuvent exister (B1, B9, B12, C, K). La plupart des vitamines sont
stockées dans le foie (A, B2, B6, B8, B9, B12, C, PP) ou dans d’autres tissus : coeur, muscles, oeil, reins, peau (B2,
B6, E) ; d’autres n’ont pas de stock (B1, C, PP) d’où la nécessité de leur apport quotidien.
Leurs fonctions physiologiques sont diverses : coenzymes de certaines réactions enzymatiques comme la
synthèse des protéines (vitamines du groupe B), ou réactions d’hydroxylation (vitamine C) ou de
carboxylation (vitamine K), rôle antioxydant (vitamine C et E) ou d’oxydoréduction (vitamine PP).
Les déficits en vitamines se rencontrent surtout dans les pays en voie de développement lors de carence
alimentaire, mais aussi dans les pays développés, conséquences des malabsorptions digestives, de nutrition
parentérale non ou mal supplémentée, dans la mucoviscidose, l’insuffisance rénale et l’hémodialyse et lorsque
l’alimentation est très déséquilibrée. Certaines carences sont secondaires à des maladies génétiques du
métabolisme faisant intervenir certaines vitamines (B1, B2, B6, B8, B9, B12, E, PP).
Les signes cliniques des carences vitaminiques sont généraux (vitamines B1, B8, B9, C, PP), cutanéomuqueux
(vitamines A, B2, B6, B8, B9, B12, C, PP), neuropsychiatriques (vitamines B1, B2, B6, B8, B9, B12, E, PP),
ophtalmologiques (vitamines A, B2, E), digestifs (vitamines B8, B9, C, PP), hématologiques (vitamines B12, C,
E, K), ostéoarticulaires (vitamine C) ou peuvent encore se manifester par une sensibilité accrue aux infections
(vitamine A). La carence la plus grave à long terme est la carence en vitamine A. Une anémie est fréquente :
vitamines B2, B6, B9, B12, C, E, PP, parfois associée à une thrombopénie et à une leucopénie (B9, B12). Les
carences vitaminiques peuvent exister sous forme fruste.
Le déficit peut être confirmé par des dosages biologiques, mais les dosages directs sont sujets à des variations
quotidiennes : on utilise plutôt des tests dynamiques avec charge en vitamine ou des tests biologiques
indirects.
Le traitement des carences par substitution vitaminique est en règle efficace par voie orale, ou parentérale
dans les malabsorptions. Les vitamines ne sont pas toxiques, sauf à très forte dose pour certaines d’entre
elles : vitamines A, B6, C, E, K3, PP.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Introduction
Depuis de nombreuses générations, on
connaît le rôle indispensable de certains
nutriments, ainsi les citrons des navigateurs
au long cours et l’huile de foie de morue de
nos grands-mères ! Depuis les années 1930,
Florence Joubert : Chef de clinique-assistant.
Chaouki Hammoud : Pédiatre attaché.
Bertrand Chevallier : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de pédiatrie, hôpital Ambroise Paré, 9, avenue Charles-de-
Gaulle, 92104 Boulogne-Billancourt, France.
ces nutriments appelés vitamines sont
progressivement identifiés, leurs propriétés
propres mieux connues, et l’on a appris à les
fabriquer par synthèse. Le terme de vitamine
est créé par Funk en 1911, à propos de la
thiamine, pour indiquer que cette substance
a la structure d’une amine et qu’elle est
indispensable à la vie [40].
La définition actuelle de la vitamine
correspond à une substance sans valeur
énergétique propre, nécessaire à l’organisme,
apportée par l’alimentation et non
synthétisée par l’homme [38].
Carence en vitamine A
VITAMINE A
Le terme de vitamine A regroupe les dérivés
â-ionone comparables à la molécule de base :
transrétinol ou rétinol. Elle est extraite du
jaune d’oeuf et du beurre en 1913 par Mac
Collum et Davis ; sa structure chimique est
définie par Karrer en 1931 puis sa synthèse
est réalisée par Isler en 1946. Son rôle est
primordial dans de nombreuses fonctions
physiologiques comme la vision, la
croissance, le maintien de l’intégrité des
épithéliums. Le déficit en vitamine A dans
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 4-056-A-10
4-056-A-10
Toute référence à cet article doit porter la mention : Joubert F, Hammoud C et Chevallier B. Carences vitaminiques (hormis la carence en vitamine D). Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Pédiatrie, 4-056-A-10, 2000, 15 p.
les pays en voie de développement est très
fréquent, représentant la première cause de
cécité chez l’enfant dans le monde, et une
cause importante de mortalité et de
morbidité infantile dans ces pays.
SOURCES ALIMENTAIRES
ET MÉDICAMENTEUSES
La vitamine A sous forme d’ester de rétinol
est présente dans la fraction lipidique des
produits d’origine animale : foie des
animaux, oeuf, beurre et produits lactés. La
provitamine A, ou bêtacarotène, se retrouve
surtout dans les végétaux.
Les apports médicamenteux sont soumis en
France à une législation, pour éviter les
risques d’intoxication : prescription médicale
obligatoire pour tout apport journalier
supérieur à 5 000 UI, et limitation des
conditionnements à 150 000 UI par unité [2].
La teneur en vitamine A dans les principaux
aliments est donnée dans le tableau I.
L’apport moyen par personne dans
l’alimentation quotidienne est supérieur à
500 ER (équivalent-rétinol) dans les pays
industrialisés, de 160 ER en Afrique et de 95
ER en Asie [2].
BESOINS NUTRITIONNELS
Les apports quotidiens recommandés par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS)
et la Food and agricultural organization (FAO)
selon l’âge sont retranscrits dans le tableau
II [1], sachant qu’au moins 60 % doivent être
apportés sous forme de bêtacarotène.
Les besoins théoriques varient largement
selon le mode d’administration et selon les
auteurs [52].
MÉTABOLISME
Les dérivés de la vitamine A apportés par
l’alimentation sont libérés des protéines
alimentaires dans l’estomac puis hydrolysés
dans l’intestin grêle sous l’action conjuguée
de la bile et des extraits pancréatiques,
incorporés aux micelles et absorbés par un
mécanisme actif à la partie supérieure du
grêle [11]. Le rétinol est ensuite incorporé aux
chylomicrons et excrété dans la lymphe,
alors qu’une faible quantité est absorbée
directement et atteint le foie par le système
porte. À dose physiologique, 80 à 90 % de la
vitamine A et 50 à 60 % des caroténoïdes de
la ration alimentaire sont absorbés.
Le foie contient 90 % de la vitamine A de
l’organisme, essentiellement sous forme de
rétinyl palmitate dans les lipocytes (cellules
de Ito). À partir du foie, le rétinol peut être
libéré dans le sang où il se lie à la retinol
binding protein (pRBP) : ce complexe se lie à
la préalbumine pour être reconnu par des
récepteurs membranaires et entrer dans la
cellule cible, essentiellement au niveau de
l’oeil et de la peau. La concentration du foie
en rétinol est de 250 íg/g, celle de la rétine
de 10 íg/g, et celle de la peau de 1,7 íg/g.
L’élimination de la vitamine A se fait dans
les selles et les urines sous forme de dérivés.
Sa demi-vie est d’environ 4 à 5 mois.
EFFETS PHYSIOLOGIQUES
Le rôle de la vitamine A dans la vision est le
seul a avoir été réellement établi : elle
participe à la formation du pourpre rétinien
(rhodopsine), dont la présence dans les
bâtonnets de la rétine est indispensable à
l’adaptation à l’obscurité. Elle a également
un rôle dans la vision des formes et des
couleurs [39].
Les dérivés de la vitamine A jouent un rôle
important dans la différenciation cellulaire
des tissus épithéliaux (kératinisation, glande
sébacée) et la synthèse protéique (croissance
cellulaire, sécrétion de mucus, stimulation
immunitaire).
La vitamine A pourrait également intervenir
dans les défenses non spécifiques contre les
médicaments et certains polluants, et aurait
un rôle protecteur vis-à-vis du développement
de certains cancers.
De nombreuses recherches actuelles
explorent les propriétés de la vitamine A
pour de nouvelles indications, comme la
réduction de l’incidence et de la morbidité
des dysplasies bronchopulmonaires touchant
les enfants nés prématurément.
CARENCE EN VITAMINE A
La carence en vitamine A est la plus grave
des carences vitaminiques à long terme. Elle
se manifeste par des signes oculaires,
cutanés et généraux.
¦ Étiologies
L’hypovitaminose A est un grave problème
de santé publique dans de nombreux pays
en voie de développement, particulièrement
en Asie, où de nombreuses études montrent
le bénéfice d’une supplémentation en
vitamine A sur la réduction de la mortalité
et de la morbidité [54, 65, 75]. Cette hypovitaminose
par carence d’apport est
aggravée par les infections répétées qui
augmentent l’excrétion urinaire de rétinol [45].
Dans les pays industrialisés, la carence
alimentaire est exceptionnelle, secondaire à
de graves erreurs diététiques [67]. L’hypovitaminose
A se rencontre dans les
pathologies hépatiques, les malabsorptions
des graisses, voire en nutrition parentérale
prolongée : cholestase, atrésie des voies
biliaires, maladie coeliaque, résection
intestinale, parasitoses digestives, maladies
inflammatoires du tube digestif [13].
Dans la mucoviscidose, le stockage hépatique
est diminué et le transport plasmatique
est altéré [72].
¦ Signes cliniques
Au niveau de l’oeil, l’atteinte rétinienne est
responsable de l’héméralopie, ou diminution
de la vision crépusculaire, une des premières
manifestations de la carence, qui peut être
dépistée par l’électrorétinogramme [28].
L’atteinte cornéenne débute par une kératite
ponctuée visible à la lampe à fente, puis une
xérophtalmie s’installe, se manifestant par
une sécheresse et une atrophie de la
conjonctive qui peut opacifier la cornée. On
peut observer des taches de Bitot, débris
cellulaires constituant une tache nacrée au
niveau de la conjonctive temporale [3]. Au
stade tardif s’installe une kératomalacie avec
ramollissement et déformation de la cornée,
ulcérations et lésions de l’iris et du cristallin,
évoluant vers la cécité complète. Ces lésions
sont répertoriées selon leur degré de sévérité
dans la classification internationale de
l’OMS [64].
Au niveau de la peau, l’atrophie des glandes
sébacées et sudoripares entraîne un dessèchement,
une hyperkératose prédominant
à la face externe des membres inférieurs, et
une perte de cheveux.
Sur le plan général, une sensibilité accrue
aux infections virales (rougeole, diarrhées) [5]
et aux complications pulmonaires est notée.
L’interrogatoire alimentaire peut permettre
de dépister les carences d’apport selon des
méthodes d’enquête précises [8].
¦ Diagnostic biologique
Le dosage du rétinol hépatique dans les
cellules prélevées par biopsie hépatique est
Tableau I. – Teneur en vitamine Adans les principaux aliments.
Aliments Vitamine A (ER/100 g) Aliments Provitamine A (ER/100 g)
Huile de foie de morue 18 000-30 000 Carotte crue 1 000-3 500
Foie de mammifères 1 500-18 000 Épinards, chou, salade 400-1 900
Beurre 450-1 200 Melon 1 100
Anguille fraîche 700 Abricot 170-700
OEuf cuit 150-480 Germe de blé 220
Fromage 90-420 Orange 65
Lait 30-120 Haricots verts cuits 24-45
L’unité internationale de mesure (UI) est préférentiellement remplacée par l’équivalent-rétinol (ER) qui peut être utilisé pour le rétinol, ses esters et le
bêtacarotène (1 ER = 1 íg de rétinol = 6 íg de bêtacarotène = 3,3 UI).
Tableau II. – Apports quotidiens recommandés
par l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) et la FAO(Food and agricultural organization)
selon l’âge.
Âge en années Besoins en
équivalent-rétinol
0-1 350
1-9 400
9-12 500
12-15 600
Garçons 15-18 600
Filles 15-18 500
4-056-A-10 Carences vitaminiques (hormis la carence en vitamine D) Pédiatrie
2
la seule méthode fiable, car 90 % de la
vitamine A sont stockés dans le foie. Cette
méthode est bien sûr trop agressive pour
pouvoir être réalisée en pratique courante.
La concentration normale en vitamine A
varie de 20 à 200 íg/g de tissu.
Dans le sang, le dosage du rétinol
plasmatique est d’interprétation difficile car
sa concentration est modifiée par les
infections, les traumatismes et toute atteinte
hépatique. La concentration normale est
supérieure à 30 íg/100 mL (concentration
plasmatique moyenne des enfants français =
42 íg/100 mL) et l’on parle de carence pour
une concentration inférieure à 10 íg/100 mL.
La concentration de la pRBP se modifie
tardivement en cas de carence, où elle
devient inférieure à 20 íg/mL.
Un test dynamique par charge en vitamine
A peut être utilisé : le RDR, relative dose
response test, où la concentration plasmatique
de vitamine A est dosée juste avant et 5
heures après une charge en vitamine A : c’est
le test indirect le plus fiable actuellement.
Le test d’imprégnation oculaire consiste à
prélever des cellules de la conjonctive sur
un papier filtre, pour les colorer et les
regarder au microscope optique, de façon à
évaluer leur différenciation (cellules
épithéliales ou à mucus), elle-même corrélée
à la concentration hépatique en vitamine A.
La carence en vitamine A est également à
l’origine d’une diminution du taux des CD4,
réversible après supplémentation [31].
¦ Traitement
En cas de carence, la dose curative est de
2 000 à 5 000 UI/j (ou 20 000 à
50 000 UI/10 j) chez l’enfant de moins de
8 ans, et de 5 000 à 10 000 UI/j (ou 50 000 à
100 000 UI/10 j) chez l’enfant de plus de
8 ans, per os, pendant 1 mois. Dans les
populations carencées, l’amélioration du
statut vitaminique des enfants d’âge
préscolaire réduit leur taux de mortalité de
25 à 30%[63].
En cas de malabsorption, on utilise la voie
intramusculaire, en préférant les solutions
aqueuses q u i o n t une m e i l l e u re
biodisponibilité [3, 28] : 50 000 UI/mois de
rétinyl palmitate (Arovitt).
Des intoxications à la vitamine A sont
décrites : aiguës pour des doses supérieures
à 100 fois la dose quotidienne, ou chroniques
pour des doses supérieures à 10 fois la dose
quotidienne pendant plusieurs semaines. Il
s’agit de nausées, céphalées, asthénie,
desquamation de la peau, troubles visuels,
douleurs ostéoarticulaires et, chez le
nourrisson, d’hypertension intracrânienne
avec bombement de la fontanelle.
Carence en vitamine B1
VITAMINE B1
La vitamine B1, ou thiamine, ou aneurine,
est isolée en 1910 par Funck à partir de la
cuticule de riz, puis de la levure de bière ;
puis sa synthèse est réalisée en 1936. Les
symptômes dus à sa carence étaient connus
sous le nom de « béribéri » depuis
2600 avant JC, mais la responsabilité d’une
substance alimentaire dans cette maladie ne
fut découverte qu’au début du XXe siècle
(première « vitale-amine », soit vitamine,
décrite).
SOURCES ALIMENTAIRES
ET MÉDICAMENTEUSES
La thiamine est apportée par l’alimentation :
elle est présente dans presque tous les tissus
animaux et végétaux. Elle est hydrosoluble,
thermolabile, sensible aux ultraviolets, aux
pH neutre et alcalin. Elle est dégradée quand
les aliments sont bouillis, mais résiste au
simple chauffage et à la congélation. Les
aliments les plus riches sont la levure et le
germe de blé, mais la principale source
alimentaire est la viande, notamment la
viande de porc (tableau III).
BESOINS NUTRITIONNELS
Les besoins en thiamine sont quotidiens en
raison de l’absence de stockage de vitamine
B1. Ils sont estimés à 0,4 mg/j chez les
nourrissons, 0,7 à 0,8 entre 1 et 9 ans,
1,2 entre 10 et 12 ans, puis 1,5 chez l’adolescent
et l’adulte. Ils augmentent en cas de
dépense énergétique élevée et d’apport
glucidique important (nutrition parentérale
exclusive prolongée). Rapportés à la
consommation calorique quotidienne, ils
sont de 0,5 mg/1 000 kcal.
MÉTABOLISME
Il existe une synthèse de thiamine endogène
par les bactéries intestinales de l’homme,
mais celle-ci est peu importante et se fait en
aval du site d’absorption intestinale : elle ne
satisfait pas les besoins quotidiens qui
doivent être couverts par l’alimentation.
L’absorption de la vitamine B1 se fait dans
le duodénum et le grêle proximal grâce à un
mécanisme de transport actif, couplé à un
processus de phosphorylation/déphosphorylation
saturable (maximum 8 à
15 mg/24 h). Une absorption par diffusion
passive existe à concentration élevée.
La thiamine est transportée au foie par la
veine porte, pour y être phosphorylée en
TPP (pyrophosphate de thiamine) actif,
composé, qui circule ensuite sous forme
intraérythrocytaire (80 % de la vitamine B1
totale) et intraleucocytaire (à plus forte
concentration, 10 % de la vitamine B1 totale).
La thiamine circule également sous forme
libre, liée aux protéines, puis diffuse dans
les tissus, surtout le coeur (2 à 3 íg/g), les
reins, le foie, le cerveau (1 íg/g) et les
muscles striés (0,5 íg/g, 40 % du contenu
total de l’organisme). L’organisme contient
25 mg de vitamine B1 dont moins de 5 %
sous forme de thiamine. La thiamine a une
demi-vie de 9 à 18 jours chez l’homme, puis
est éliminée principalement dans les urines
sous forme de métabolites.
EFFETS PHYSIOLOGIQUES
La vitamine B1 participe à de multiples
réactions enzymatiques du métabolisme des
hydrates de carbone [62] : le TPP, forme
coenzymatique active de la vitamine B1, agit
comme transporteur d’un groupement
aldéhydique dans l a r é a c t i o n de
décarboxylation oxydative des acides
á-cétoniques et permet le transfert du
groupe cétol dans la transcétolisation de la
voie des pentoses-phosphates pour la
dégradation des glucoses.
Le TPP a également un rôle de neurotransmetteur
au niveau du système nerveux
parasympathique.
CARENCE EN VITAMINE B1
La forme majeure d’avitaminose B1, appelée
béribéri, est très rare dans les pays
industrialisés, mais les formes frustes sont
probablement sous-estimées.
¦ Étiologies
Le béribéri par carence alimentaire s’observe
essentiellement en Asie du Sud-Est par
consommation excessive d’aliments
hautement raffinés (riz poli ou farine
blanche), appauvris en thiamine par leur
préparation. De plus, la consommation de
certains poissons crus engendre une
dégradation de la thiamine par l’action
d’une thiaminidase contenue dans leur chair.
Les formes frustes des pays occidentaux se
voient dans le cas de régimes déséquilibrés,
de troubles de l’absorption intestinale
(maladie chronique, diarrhée, vomissements),
d’alimentation parentérale non
supplémentée. Il existe également quelques
maladies génétiques exceptionnelles du
métabolisme vitamine B1-dépendantes
(leucinoses thiamine-sensibles, acidoses
lactiques thiamine-sensibles, encéphalopathie
nécrosante subaiguë de Leigh-Feigin-
Wolf, anémie mégaloblastique thiamine-
dépendante).
Tableau III. – Teneur en vitamine B1 pour 100 g d’aliments.
Aliments Vitamine B1 en mg/100 g
Levure sèche 2-35
Germe de blé 0,8-2,7
Viande de porc 0,2-1,0
Riz : entier/grain poli/pellicule 0,5 / 0,03 / 2,3
Foie, rognons 0,18-0,5
Autres viandes, poisson, pain complet 0,1-0,45
Laitages, légumes, fruits 0,02-0,08
Pédiatrie Carences vitaminiques (hormis la carence en vitamine D) 4-056-A-10
3
¦ Signes cliniques
Le béribéri de l’enfant et du nourrisson [48]
touche surtout l’enfant de 2 à 6 mois. Il
débute par des signes généraux avec perte
de l’appétit, vomissements, troubles du
sommeil, suivis d’une hypertonie musculaire
avec pouls court et rapide. Il peut entraîner
une asystolie aiguë, brutale, avec
insuffisance cardiaque aiguë, cardiomégalie,
microvoltage électrique et résistance au
traitement. Le décès survient en 12 à
24 heures en l’absence de traitement. Les
polynévrites (nerfs oculomoteurs) sont plus
rares chez l’enfant.
Dans les formes frustes du nourrisson, on
décrit des troubles digestifs (anorexie,
constipation, vomissements, cassure de la
courbe pondérale) ; des signes nerveux
(agitation, troubles du sommeil) ; une
infiltration tégumentaire et des signes
cardiaques (tachycardie, dyspnée d’effort,
assourdissement des bruits du coeur, coeur
globuleux à la radiographie, aplatissement
des QRS à l’électrocardiogramme).
Chez l’enfant plus grand, les formes frustes
se manifestent par des signes non
spécifiques : asthénie, anorexie, irritabilité,
confusion mentale ; la forme majeure se
rapproche du tableau d’avitaminose de
l’adulte : encéphalopathie de Gayet-
Wernicke, polynévrite ou myocardite.
¦ Diagnostic biologique
Le déficit en thiamine peut être, parfois,
révélé par une anémie mégaloblastique. De
même, une acidose lactique avec rapport
lactates/pyruvates normal ou abaissé [47],
une augmentation de la concentration
d’á-cétoglutarate et de pyruvate, une
hyperalaninémie doivent faire évoquer une
carence en vitamine B1. Mais ces signes ne
sont ni constants ni spécifiques.
La vitamine B1 peut être dosée directement
dans le sang total par dosage microbiologique,
sous forme de thiamine (N = 12 íg/L)
et de thiamine phosphorylée (N = 35 íg/L),
soit une concentration normale moyenne de
thiamine totale de 47 íg/L (30 à 70 íg/L).
Quatre-vingt pour cent de la thiamine étant
contenue dans les globules rouges, les
concentrations sont à interpréter en fonction
de l’hématocrite.
Le test biologique le plus sensible et le plus
spécifique pour apprécier le statut en
thiamine est l’étude de l’activation de la
transcétolase érythrocytaire : le coefficient
d’activation de cette réaction après
administration de coenzyme TPP est
inférieur à 15 % chez un sujet non carencé,
supérieur à 25 % chez un sujet carencé.
Le test thérapeutique est un moyen
diagnostique rapide, car les symptômes
cardiaques et neurologiques régressent en
48 heures après administration de vitamine
B1. La réponse est souvent plus rapide
que celle des dosages biologiques.
¦ Traitement
Dans les formes frustes de l’enfant, un
apport de 5 mg de vitamine B1 per os suffit,
mais dans les formes graves, on propose
30 mg trois fois par jour par voie intramusculaire,
voire intraveineuse en cas de
myocardite suraiguë.
Carence en vitamine B2
VITAMINE B2
La vitamine B2, ou riboflavine, est le
précurseur de coenzymes indispensables aux
réactions d’oxydoréduction : le flavine
adénine dinucléotide (FAD) et le flavine
mononucléotide (FMN). Elle est progressivement
différenciée des autres
vitamines du groupe B entre 1920 et 1933,
puis elle est synthétisée en 1937 par Khun et
Karrer. En 1938, Warburg et Christian isolent
le FAD et démontrent son rôle de coenzyme.
SOURCES ALIMENTAIRES
ET MÉDICAMENTEUSES
La vitamine B2 est l’une des vitamines les
plus répandues dans la nature, mais en
pratique, sa principale source se trouve dans
les produits laitiers (tableau IV).
BESOINS NUTRITIONNELS
Sauf cas particulier, les besoins sont
largement couverts par l’alimentation. Ils ont
été difficiles à définir, car les symptômes de
carence ne sont pas spécifiques : ils varient
de 0,4 à 1,8 mg/j selon l’âge et l’apport
énergétique global : 0,4 à 0,6 dans la
première année ; 0,8 entre 1 et 3 ans ; 1 entre
4 et 9 ans ; 1,4 entre 10 et 12 ans ; puis 1,5
chez les adolescentes et les femmes ; et
1,8 mg chez les adolescents, les hommes et
les femmes enceintes. En moyenne, ils sont
de 0,5 à 0,6 mg/1 000 kcal.
MÉTABOLISME
La riboflavine est stable à la chaleur et ne
s’oxyde pas à l’air. Elle est peu soluble dans
l’eau, à l’inverse de ses formes nucléotidiques
(FMN et FAD), encore moins dans
l’alcool, mais elle est soluble en solution
acide. Elle est très sensible à la lumière.
Dans l’alimentation, la vitamine B2 est
présente sous forme de FAD, de FMN et de
riboflavine libre. Le FAD et le FMN sont
hydrolysés au niveau du tractus gastrointestinal.
La riboflavine libre est absorbée
dans la partie haute du tube digestif selon
un mécanisme de transport actif saturable,
avec une phosphorylation de 75 % de cette
riboflavine en FMN dans la cellule
intestinale. Ces deux composés sont ensuite
transportés, sous forme liée aux protéines
plasmatiques, jusqu’au foie par la veine
porte, puis ils rejoignent la circulation
générale.
Les réserves de vitamine B2 dans
l’organisme se trouvent pour un tiers dans
le foie (25 íg/g), pour le reste dans le coeur
(15 íg/g), les reins, la rate, le cristallin et les
muscles. Elles restent stables 2 à 6 semaines,
même en cas de carence prolongée.
L’élimination de la vitamine B2 se fait par
les urines, principalement sous forme de
riboflavine libre, et par les selles. Elle est par
ailleurs sécrétée dans le lait maternel, en
q u a n t i t é dépendante de l ’ a p p o r t
alimentaire [47].
EFFETS PHYSIOLOGIQUES
La riboflavine, sous forme FAD et FMN, est
un cofacteur de nombreuses déshydrogénases
et oxydases, et en particulier des acyl-
CoA-déshydrogénases. Elle joue le rôle
d’accepteur d’électrons. Elle intervient ainsi
dans le catabolisme des acides gras
(â-oxydation mitochondriale des acides gras
à chaîne longue), de certains acides aminés
et des bases puriques, et dans le cycle de
Krebs, la chaîne respiratoire et le
métabolisme du globule rouge [46].
CARENCE EN VITAMINE B2
Le tableau clinique de la carence en vitamine
B2 est rare et difficile à préciser car cette
carence est intriquée avec celle d’autres
vitamines.
¦ Étiologies
Dans les pays en voie de développement,
cette situation se rencontre dans les grandes
famines.
Dans les pays industrialisés, chez l’enfant,
elle se rencontre chez le prématuré ou
l’enfant dysmature, surtout après photothérapie
prolongée ; en nutrition parentérale
exclusive non supplémentée ; dans les cas
de malabsorptions chroniques, notamment
dans l’atrésie des voies biliaires ; plus
rarement dans l’hypothyroïdie, le diabète
(par augmentation de l’excrétion urinaire),
l’hémodialyse, les nourrissons nourris au lait
de mère végétalienne.
Tableau IV. – Teneur en vitamine B2 pour 100 g d’aliments.
Aliments Vitamine B2 en mg/100 g
Levure de boulangerie (sèche) 2,5-5
Foie 0,7-3,9
Blé : germe/grain/farine 0,5-4/0,1-0,8/0,1-0,2
Fromage, oeufs, poisson 0,3-0,6
Champignons 0,26-0,44
Lait de vache, laitages 0,12-0,27
Viande 0,1-0,5
Légumes verts cuits 0,01-0,15
Lait de femme 0,04
4-056-A-10 Carences vitaminiques (hormis la carence en vitamine D) Pédiatrie
4
Enfin et surtout, des maladies génétiques du
métabolisme riboflavine-dépendantes
(anomalies mono- ou polyenzymatiques) ont
été récemment découvertes [39] : plus d’une
centaine d’observations de déficits
héréditaires des acyl-CoA-déshydrogénases
à FAD ont été décrites.
¦ Signes cliniques
Les lésions cutanéomuqueuses sont
exceptionnelles mais classiques : dermite
séborrhéique prédominant aux ailes du nez
et aux lobes des oreilles, hyperpigmentation
de la vulve ou du scrotum, chéilite, glossite
(langue pourpre avec atrophie des papilles),
perlèche.
Les s i g n e s o c u l a i re s comportent
photophobie et larmoiement, hyperhémie
conjonctivale s’étendant à la cornée puis
formant des anastomoses en réseaux
concentriques, visibles à l’oeil nu ; des
opacités cornéennes peuvent être notées [71].
Dans les carences graves et prolongées, des
pare s t h é s i e s e t des neuropathies
périphériques ont été observées.
Expérimentalement, la carence maternelle en
vitamine B2 des rats entraîne de sévères
malformations dans la descendance, avec
malformations du squelette, hydrocéphalie,
lésions oculaires, cardiaques et rénales [44].
¦ Diagnostic biologique
Le déficit en riboflavine entraîne une
excrétion urinaire d’acides organiques
anormaux, tout comme dans les déficits
héréditaires généralisés en acyl-CoAdéshydrogénase
[41].
Dans les carences sévères, on peut retrouver
une anémie normochrome, normocytaire,
arégénérative. Une acidose métabolique
sévère avec hyperlactacidémie et excrétion
accrue d’acide glutarique, régressive
48 heures après l’injection de riboflavine, a
été rapportée chez des nouveau-nés
prématurés alimentés en nutrition
parentérale exclusive [21].
La vitamine B2 peut être dosée dans le
plasma (reflet de l’apport alimentaire
r é c e n t ) , l e s globules rouges (une
concentration inférieure à 10 íg/100 mL est
signe de carence, mais c’est un signe tardif)
et les urines (excrétion variable selon l’âge
et les apports alimentaires récents).
Le diagnostic biologique de la carence
repose sur des explorations fonctionnelles :
détermination de l’activité de la glutathion
réductase érythrocytaire (FAD-dépendante)
avant et après adjonction de FAD. Le
coefficient d’activation normal est inférieur
à 1,2. D’autres méthodes d’explorations
fonctionnelles existent, mais ne sont pas de
pratique courante.
¦ Traitement
L’apport quotidien de 30 mg de vitamine B2
permet de corriger les symptômes cliniques
en moins de 1 semaine. En cas de
malabsorption, la riboflavine doit être
administrée par voie parentérale. Il n’y a pas
de toxicité de la vitamine B2, même à très
forte dose. Dans les maladies héréditaires
du métabolisme, des doses importantes sont
nécessaires, jusqu’à 300 mg/j.
Le traitement préventif consiste à
supplémenter en vitamine B2 les enfants en
situation à risque : 0,03 mg/kg/j dans les
nutritions parentérales, 0,5 mg/kg/j lors de
la photothérapie du nouveau-né.
Carence en vitamine B6
VITAMINE B6
La vitamine B6, dont le terme regroupe la
pyridoxine, le pyridoxal et la pyridoxamine,
n’est découverte que tardivement, en 1935,
car sa carence n’entraîne pas chez l’homme
de syndrome spécifique. Elle intervient dans
de nombreux systèmes enzymatiques, et son
administration permet de guérir un certain
nombre de maladies h é r é d i t a i res
pyridoxinodépendantes.
SOURCES ALIMENTAIRES
ET MÉDICAMENTEUSES
La vitamine B6, comme les autres vitamines
du groupe B, est présente dans de nombreux
aliments. Les laits maternisés sont
supplémentés en pyridoxine (0,2 à
0 , 4 mg/100 mL de poudre ) . Dans
l’alimentation habituelle, la principale source
se trouve dans les viandes, le poisson et le
foie. Elle est soluble dans l’eau à la cuisson,
d’où 10 à 50 % de perte, et elle est dégradée
par la lumière (tableau V).
BESOINS NUTRITIONNELS
Les besoins nutritionnels en vitamine B6 sont
difficiles à évaluer car elle est très répandue
et synthétisée de façon endogène par le tube
digestif. Chez l’enfant, les recommandations
du US Food and Nutrition Board sont de
30 íg/kg/j [10]. En France, on conseille
0,6 mg/j chez le nourrisson, 0,8 entre 1 et
3 ans, 1,4 entre 4 et 9 ans, 1,6 entre 10 et
12 ans, puis 2 à 2,5 chez les adolescents et
les adultes [39].
MÉTABOLISME
La p y r i d o x i n e e s t hydro s o l u b l e ,
thermostable et dégradée par la lumière. Elle
est présente dans l’alimentation sous forme
largement liée aux protéines ou aux
glucides. La vitamine B6, sous ses trois
formes, est absorbée lentement au niveau du
jéjunum proximal par diffusion passive non
saturable. Elle subit alors des réactions de
phosphorylation et déphosphorylation, puis
elle est transportée jusqu’au foie par la veine
porte. Elle est transformée dans la cellule
hépatique en coenzyme actif : le phosphate
de pyridoxal, grâce à une enzyme FMNdépendante
(cf vitamine B2). Ce dernier
circule dans le plasma lié à l’albumine
(80 %), et dans les globules rouges, lié à
l’hémoglobine. La concentration en vitamine
B6 du sang total est de 150 nmol/L. Elle
diffuse ensuite dans tous les tissus,
principalement le foie (2,2 à 10 íg/g), puis
le cerveau (0,43 íg/g), le rein et la rate. Les
réserves de l’organisme peuvent couvrir les
besoins pour 3 à 10 semaines. Près de 50 %
de la vitamine B6 apportée par l’alimentation
quotidienne sont éliminés par les urines,
sous forme d’acide-4-pyridoxique
essentiellement.
EFFETS PHYSIOLOGIQUES
La forme active de la vitamine B6 est le
phosphate de pyridoxal. Toutes les enzymes
l’utilisant sont impliquées dans le
métabolisme des acides aminés (biosynthèse
et catabolisme), et fonctionnent de la même
manière. La vitamine B6 est le cofacteur de
presque toutes les décarboxylases, de
nombreuses transaminases et de certaines
transférases. Elle est également impliquée
dans le métabolisme glucidique comme
coenzyme de la phosphorylase, dans le
catabolisme de la méthionine (dégradation
de l’homocystéine) et du tryptophane, dans
la synthèse de l’hème et des porphyrines et
dans les réactions immunitaires. Son rôle
dans le métabolisme des lipides est
controversé.
CARENCE EN VITAMINE B6
Chez l’adulte, la carence en pyridoxine est
fréquente chez l’alcoolique, mais chez
l’enfant, elle est exceptionnelle car la
vitamine B6 e s t abondante dans
l’alimentation et en partie synthétisée par la
flore intestinale.
¦ Étiologies
La carence a été exceptionnellement décrite
chez des nourrissons nourris par des laits
Tableau V. – Teneur en vitamine B6 pour 100 g d’aliments.
Aliments Vitamine B6 en mg/100 g
Levure de boulangerie (sèche) 1,5-10
Foie, rognons 0,3-2,5
Blé : germe/grain/farine 1-5/0,3-0,6/0,4-0,7
Viande, poisson 0,1-0,85
Banane, chou-fleur, haricots verts, orange, poire 0,2-0,4
Lait de vache 0,05-0,3
Lait de femme 0,01
Autres légumes 0-0,3
Pédiatrie Carences vitaminiques (hormis la carence en vitamine D) 4-056-A-10
5
artificiels trop stérilisés ou enrichis à l’huile
de palme, et chez des nouveau-nés allaités
au lait de mère, pauvre en pyridoxine.
Elle résulte plus souvent d’interactions
médicamenteuses lors d’un traitement
prolongé par l’isoniazide (INH), qui se
combine avec le phosphate de pyridoxal,
conduisant à une vitaminodéficience,
essentiellement chez les acétyleurs lents de
l’INH. L’insuffisance rénale et l’hémodialyse
chronique sont également des situations
pouvant entraîner une carence en vitamine
B6
[46].
Les maladies métaboliques héréditaires
pyridoxinodépendantes résultent de
mutations pouvant toucher différentes
enzymes : l’homocystinurie, la cystathionurie,
l’hyperornithinémie, l’acidurie
xanthurénique, les anémies sidéroblastiques
familiales pyridoxinosensibles, les oxaluries
primaires et surtout les convulsions
pyridoxinodépendantes liées à un déficit
d’action de la glutamate décarboxylase.
¦ Signes cliniques
Les symptômes de carence en vitamine B6
sont frustes, non spécifiques et généralement
intriqués à d’autres carences en vitamines B.
Ils sont cutanéomuqueux : dermite
séborrhéique périorificielle, chéilite et
glossite ; neuropsychiatriques : asthénie ou
agitation, dépression ou irritabilité,
polynévrite plus tardive, et parfois
convulsions.
Les convulsions pyridoxinodépendantes
débutent habituellement dans les premiers
jours ou les premiers mois de vie, sont
généralisées et répondent rapidement à
l’administration de vitamine B6 à forte dose
(50 mg intraveineux). Elles peuvent parfois
être responsables de syndrome de West. Non
traitées, elles peuvent entraîner un retard
psychomoteur ou même le décès de l’enfant.
Certaines anomalies immunitaires,
humorales et cellulaires, ont été constatées
expérimentalement [6].
¦ Diagnostic biologique
Une anémie microcytaire hypochrome est
parfois retrouvée.
Les dosages directs se font dans le sang (par
méthode microbiologique ou radioimmunologique)
ou les urines : le phosphate
de pyridoxal plasmatique est le meilleur
indicateur du statut vitaminique : sa
concentration normale est supérieure à
30 nmol/L (7,4 íg/L). L’élimination urinaire
normale d’acide 4-pyridoxique est de 2,7 à
7 ímol/j : elle diminue en cas de carence en
vitamine B6. Mais ces paramètres reflètent
les apports récents et sont influencés par
l’apport protéique.
Les épreuves dynamiques mesurent l’activité
des transaminases (enzymes érythrocytaires
vitamine B6-dépendantes) avant et après
incubation avec le phosphate de pyridoxal.
En cas de carence vitaminique, le coefficient
d’activation est supérieur à 2 (normal < 1,6).
L’épreuve de charge en tryptophane est une
autre méthode d’exploration dynamique :
chez le sujet sain, elle entraîne une
production de cinurénine, catabolisée par
une enzyme pyridoxinodépendante. En cas
de blocage de celle-ci par carence en
pyridoxine, la cinurénine est transformée en
acide xanthurénique, dont l’élimination
urinaire est accrue : une élimination
supérieure à 20 mg/24 h après absorption de
2 à 5 g de tryptophane témoigne d’une
carence en vitamine B6. De même, une
charge en méthionine entraîne chez les sujets
carencés une homocystinurie.
¦ Traitement
Les convulsions pyridoxinodépendantes du
nouveau-né cèdent après administration de
50 mg de vitamine B6 intraveineux. En
dehors de cette circonstance, la carence en
vitamine B6 est corrigée par l’apport de
5 mg/j de chlorhydrate de pyridoxine per
os. La vitamine B6 n’étant pas toxique, elle
peut être administrée à des doses
quotidiennes de 50 à 500 mg sans risque,
notamment dans le traitement des maladies
métaboliques vitaminodépendantes.
Cependant, de fortes doses (2 à 4 g/j)
administrées de façon prolongée peuvent
produire une neuropathie périphérique
sensitive avec ataxie, réversible à l’arrêt du
traitement [59].
Carence en vitamine B8
VITAMINE B8
La découverte de la vitamine B8, ou
vitamine H, ou encore biotine, résulte de
divers travaux sur la « maladie du blanc
d’oeuf cru » (due à une substance
antagoniste de la biotine, l’avidine) entre les
années 1916 et 1931. La biotine est isolée à
patir du jaune d’oeuf, puis synthétisée pour
la première fois en 1942. Son rôle est observé
chez les animaux d’élevage entre 1970 et
1976, alors que son efficacité dans le
traitement de maladies héréditaires du
métabolisme biotine-dépendant est
confirmée en 1981. Elle est la coenzyme de
plusieurs carboxylases majeures.
SOURCES ALIMENTAIRES
ET MÉDICAMENTEUSES
La vitamine B8 se trouve à l’état de traces
dans la plupart des tissus animaux et
végétaux : elle est très répandue dans les
aliments, selon les concentrations présentées
dans le tableau VI.
BESOINS NUTRITIONNELS
L’alimentation normalement diversifiée
suffit aux besoins quotidiens en vitamine B8.
Chez l’enfant de 0 à 12 ans, en France, on
conseille un apport de 50 à 90 íg/j, et chez
l’adolescent, un apport de 100 à 300 íg/j.
Chez le prématuré, un apport de 5 íg de
biotine pour 100 kcal est recommandé [56].
MÉTABOLISME
La biotine, vitamine hydrosoluble,
thermostable et sensible aux ultraviolets,
provient surtout de l’alimentation (150 à
300 íg/j), et en petite quantité, de la
synthèse par les bactéries intestinales. Elle
est absorbée au niveau du jéjunum et de
l’iléon proximal selon un mécanisme actif,
saturable, sodium-dépendant. Elle circule
sous forme libre (20 %) et sous forme liée
(80 %) à la biotinidase qui possède deux sites
de fixation [39]. La biotinémie à jeun est de
50 ± 0,14 ng/mL. Elle diffuse dans presque
tous les tissus, surtout le foie dont les
réserves sont importantes mais peu
mobilisables. Dans la cellule, elle doit être
activée en biotinyl-AMP (adénosine
monophosphate) pour jouer son rôle de
coenzyme, et se fixer par une liaison
covalente aux apocarboxylases grâce à
l’holoenzyme synthétase. Enfin, elle entre
dans un système de recyclage grâce à la
biotinidase.
Elle est éliminée dans les urines sous forme
libre et sous forme de métabolites, et en
petites quantités dans les selles.
EFFETS PHYSIOLOGIQUES
La biotine est la coenzyme des carboxylases
qui catalysent l’incorporation du CO2 dans
différents substrats. Par ce biais, elle
intervient dans le métabolisme des hydrates
de carbone : carboxylation de l’acide
pyruvique (néoglucogenèse) ; dans celui des
lipides : carboxylation de l’acétyl-CoA
(lipogenèse) ; et dans le catabolisme des
protéines : carboxylation du propionyl-CoA
et du méthylcrotonyl-CoA (cycle de Krebs et
synthèse des acides gras et du cholestérol)
[11, 54].
CARENCE EN VITAMINE B8
La carence en vitamine B8 est exceptionnelle.
Elle est décrite de façon expérimentale lors
de l’utilisation d’une substance antagoniste,
avec apparition des signes cliniques en 3 à
4 semaines.
¦ Étiologies
Les rares situations dans lesquelles cette
carence est observée sont la nutrition
Tableau VI. – Teneur en vitamine B8 pour
100 g d’aliments.
Aliments Biotine en íg/100 g
Levure sèche 180-400
Foie, rognons 20-130
Chocolat 32
OEufs 20-25
Champignons, chou-fleur 11-20
Haricots, lentilles, pois
secs
3-18
Viande 2-10
Pain complet 2-6
Laitages, fromages 2-5,1
Poisson 0,-3
Légumes, fruits 0,1-5
Lait de femme 0,8
4-056-A-10 Carences vitaminiques (hormis la carence en vitamine D) Pédiatrie
6
parentérale prolongée non supplémentée (en
3 à 6 mois chez l’enfant) et les diètes
prolongées riches en blanc d’oeuf cru. Il
existe également des maladies héréditaires
du métabolisme de la biotine : le déficit en
holocarboxylase synthétase, qui s’installe de
manière aiguë dans la période néonatale, et
le déficit en biotinidase qui se révèle plus
tardivement et sur un mode chronique.
¦ Signes cliniques
Cliniquement sont observés :
– des signes digestifs et généraux avec
asthénie, anorexie, vomissements, parfois
amaigrissement ; et dans les formes sévères,
accès d’acidose métabolique avec cétose,
troubles de conscience puis coma ;
– des signes cutanéomuqueux pouvant
associer des rashs cutanés diffus mais
fugaces, une dermite érythématosquameuse
à prédominance périorificielle, un intertrigo
fessier et cervical, des onyxis et périonyxis,
une alopécie, une chéilite, une glossite et une
kératoconjonctivite ;
– des signes neuropsychiatriques avec
hypotonie, ataxie, retard psychomoteur,
paresthésies et parfois convulsions ou même
hallucinations.
¦ Diagnostic biologique
Le bilan biologique retrouve une acidose
métabolique avec cétose, hyperlactacidémie,
hyperammoniémie et une acidurie
organique anormale avec présence dans les
urines d’acide propionique, d’acide
m é t h y l c ro t o n i q u e e t de m é t h y l -
crotonyl-glycine [47].
Le dosage direct de la biotine dans le sang
n’est pas de pratique courante, et ses
résultats sont soumis à de grandes
variations, reflétant mal les états de carence.
La biotine plasmatique normale est
supérieure à 0,24 íg/L, et l’on parle de
déficit quand elle est inférieure à 0,12 íg/L.
La biotinurie normale est de 50 íg/24 h, elle
diminue en cas de carence.
Les explorations fonctionnelles consistent à